La Melkia (Moulkiya) au Maroc : Entre Tradition Juridique et Défis de Modernisation

Introduction

La melkia (ou moulkiya) incarne l’un des piliers du droit foncier traditionnel marocain, ancré dans la charia et les pratiques malékites. Ce système, qui coexiste avec le régime moderne d’immatriculation foncière, reste prédominant dans les zones rurales et les médinas, où près de 74,2 % des terres agricoles sont régies par ce statut. Cet article explore les fondements historiques, les mécanismes juridiques, les enjeux contemporains et les perspectives de réforme de cette institution, en s’appuyant sur des références académiques et des sources légales marocaines.

I. Origines et Fondements Juridiques

1. Un héritage de la charia malékite

La melkia trouve ses racines dans le droit musulman, spécifiquement l’école malékite, dominante au Maroc. Elle repose sur le concept de hyazat (possession), défini par une occupation paisible, publique, continue (10 à 40 ans) et exercée à titre de propriétaire. Selon Paul Decroux, professeur de droit à Rabat, cette possession prolongée « constitue la preuve ultime de propriété dans les litiges non immatriculés ».

2. Rôle des adoul et du cadi taoutik

La validation de la melkia implique des notaires traditionnels (adoul) et un juge (cadi taoutik). Les adoul rédigent un acte manuscrit attestant la possession, basé sur le témoignage de douze témoins (vingt-quatre pour une femme), tandis que le cadi homologue le document après vérification administrative. Ce processus, bien que non centralisé, offre une forme de légitimité locale.

II. Structure et Limites de la Melkia

1. Caractéristiques du document

Un acte de melkia inclut :

  • Une description du bien (localisation, repères géographiques).
  • L’historique des transmissions successorales.
  • Les limites approximatives, souvent basées sur des références orales ou des voisins.

2. Faiblesses structurelles

  • Imprécision technique : Absence de bornage cadastral, de servitudes claires, ou de plans topographiques, ce qui génère des litiges frontaliers.
  • Indivision chronique : Près de 50 à 80 % des biens melk sont en indivision en raison des règles successorales islamiques, compliquant les transactions et bloquant le développement économique.
  • Insécurité juridique : L’absence d’enregistrement centralisé expose à des revendications multiples, notamment de la part d’héritiers non consultés.

III. Melkia vs Titre Foncier : Une Dualité Juridique

CritèreMelkiaTitre Foncier
Fondement juridiqueDroit musulman (possession)Dahir de 1913 (droit moderne)
GarantiesLimitée (acte adoulaire)Inattaquable (registre centralisé)
TransactionsRisque élevé de litigesSécurisées (purge juridique)
FinancementExclue des prêts bancairesAcceptée comme garantie hypothécaire
Valeur marchande20 à 40 % moins chèreValorisation accrue (+30 à 50 %)

IV. La Procédure de Titrisation : Entre Complexité et Nécessité

Pour transformer une melkia en titre foncier, une réquisition d’immatriculation doit être déposée auprès de l’ANCFCC. Ce processus, décrit dans le dahir de 1913, comprend :

  1. Dépôt de la demande avec documents prouvant la possession.
  2. Publication au Bulletin Officiel et enquête de bornage par un géomètre assermenté.
  3. Clôture administrative après deux mois d’affichage public, permettant des oppositions.
  4. Décision du conservateur foncier, pouvant aboutir à l’immatriculation, au rejet, ou à une saisine judiciaire en cas de litige.

Délais et coûts :

  • 8 à 10 mois en moyenne à Marrakech.
  • Frais variables selon la superficie, incluant droits de conservation (1 % + 150 DHS) et honoraires de notaire (1 % minimum).

V. Enjeux Contemporains et Réformes

1. Obstacles au développement rural

L’indivision et l’absence de titres freinent l’accès au crédit et la modernisation agricole. Seulement 25 % des terres melk font l’objet de partages formels, souvent en raison de résistances culturelles ou fiscales.

2. Mesures incitatives

  • Réduction des droits d’enregistrement : Passés de 5 % à 1 % pour les sorties d’indivision.
  • Projets de cadastre national : L’ANCFCC vise à digitaliser les registres, mais se heurte à la persistance des pratiques traditionnelles.

3. Perspectives académiques

Selon une étude de l’Université Mohammed V de Rabat (2023), la melkia reste un « frein structurel à l’investissement étranger », nécessitant une harmonisation entre droit coutumier et normes internationales.

VI. Étude de Cas : Les Médinas de Marrakech

Dans la médina de Marrakech, 60 % des riads sont sous régime melkia. Un investisseur européen ayant acheté un riad en 2022 sans titrisation préalable a dû faire face à une revendication d’héritiers non consultés, retardant son projet de deux ans. À l’inverse, un autre investisseur a augmenté la valeur de sa propriété de 40 % après immatriculation, illustrant l’impact économique de la sécurisation foncière. Si vous désirez acheter un terrain à Marrakech et éviter toute complication, adressez-vous à des professionnels : leur expertise juridique et technique vous épargnera des risques liés à la dualité des régimes fonciers.

En Conclusion

La melkia symbolise la tension entre patrimoine juridique islamique et impératifs de modernisation. Si elle garantit une certaine stabilité sociale en milieu rural, son manque de transparence et son incompatibilité avec les standards internationaux en font un obstacle majeur pour le marché immobilier marocain. Les réformes en cours, bien que timides, ouvrent la voie à une hybridation des systèmes, où tradition et modernité pourraient coexister sans s’exclure.

Références Académiques et Légales

  • Dahir du 12 août 1913 sur l’immatriculation foncière.
  • Paul Decroux, Le Droit Foncier Marocain : Entre Hyazat et Modernité, Éditions La Porte, 2018.
  • Étude ANCFCC, Modernisation du Cadastre et Enjeux Sociaux, 2024.
  • Université Mohammed V, Dualité Foncière et Développement Économique au Maroc, 2023.

Pour approfondir : Conservation Foncière du Maroc

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